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Municipales en Turquie: derrière la lourde défaite de l’AKP, l’échec de la politique économique d’Erdogan

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En Turquie, le parti du président Erdogan subit une lourde défaite aux élections municipales. Les résultats, quasi définitifs, donnent la principale formation de l’opposition large vainqueur du scrutin. Le Parti républicain du peuple (CHP), social-démocrate, est reconduit à Istanbul et Ankara, les deux plus grandes villes de Turquie, et rafle de nombreuses autres, comme Bursa, grosse ville industrielle du nord-ouest, qui était pourtant acquise à l’AKP depuis 2004.

Les électeurs semblent avoir d’abord sanctionné le gouvernement pour des raisons économiques et sociales : les prix des produits ne cessent d’augmenter, de nombreux Turcs voient leur pouvoir d’achat diminuer inexorablement, avec une inflation de 67% sur un an, selon les statistiques officielles. À cela s’ajoute la dévaluation de la livre turque. Dans ce contexte, des électeurs traditionnels de l’AKP, sans pour autant voter pour l’opposition, auraient préféré s’abstenir. Le taux de participation officiel est de 78% alors qu’aux précédentes municipales, en 2019, la participation était de 84,6%.

Enfin, le nouveau parti islamiste, le Yeniden Refah, a fait une percée, s’imposant comme la troisième force politique lors de ces municipales, avec 6,2% des voix au niveau national, selon des résultats quasi définitifs. Des candidats de cette formation ont été élus à Sanliurfa (sud-est) et Yozgat (centre), deux capitales provinciales qui étaient dirigées par des maires AKP. C’est une conséquence indirecte de la guerre à Gaza, le président Erdogan se voyant reprocher de maintenir des relations commerciales avec Israël.

  • Peut-on parler d’une défaite pour Recep Tayyip Erdogan ?  

C’est sans conteste un coup dur pour le président qui a pris une part active dans la campagne électorale, enchaînant deux à trois réunions publiques par jour. La défaite est d’autant plus cinglante à Istanbul, sa ville de naissance, qu’il avait promis de reconquérir. C’est là qu’il a commencé sa carrière politique, en étant maire de 1994 à 1998. Pour ces municipales, le chef de l’État turc y est venu en personne et a aussi envoyé la quasi-totalité de ses ministres pour soutenir le candidat de l’AKP.

Istanbul, c’est la plus grande ville du pays, sa capitale économique et culturelle, c’est un tiers de l’économie et 18% de la population turque, une sorte de microcosme du pays. Or, une victoire à Istanbul, centre économique et financier, aurait pu donner à Recep Tayyip Erdogan l’élan politique et les ressources économiques nécessaires pour aller de l’avant.

  • Quels défis attendent l’opposition ? 

Cette victoire du Parti républicain du peuple (CHP) est un résultat prometteur pour l’opposition dans la perspective de l’élection présidentielle prévue en 2028. D’autant, que cette fois-ci, le CHP avait fait cavalier seul, contrairement à la présidentielle, où les partis d’opposition s’étaient unis. Le charismatique maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, serait en bonne position s’il décidait de se lancer dans la course à la présidentielle. Mais 2028 est une perspective encore lointaine, d’autant que l’AKP, forte de plus de deux décennies de pouvoir, garde la main sur tous les rouages de l’administration et de l’État.

L’opposition est aussi sous forte pression pour ne pas décevoir ses électeurs. Le président du CHP, Ozgur Ozel, les a félicités d’avoir décidé de changer le visage de la Turquie : « Ils veulent ouvrir la porte à un nouveau climat politique dans notre pays ». Mais le Parti républicain du peuple est aussi très fracturé, en particulier depuis la défaite à la présidentielle et aux législatives l’an dernier. La formation sociale-démocrate reste désunie, traversée par des courants divers, comme l’ont montré les querelles lors de la nomination de certains candidats, comme à Izmir. Enfin, le maire d’Istanbul est confronté à des ennuis judiciaires. Poursuivi pour insulte au Haut Conseil électoral turc, il a été condamné à plus de deux ans et demi de prison, mais a fait appel. En attendant, il continue d’exercer ses fonctions, mais avec cette menace qui pourrait stopper net ses ambitions politiques.

Rfi

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