A l’ASC Jaraaf, l’enjeu est double : surfer sur la vague de la performance sportive tout en empilant les infrastructures et laisser un bel héritage aux générations futures. Au-delà de remporter le championnat cette année, il est donc question de lancer, dès début 2024, la construction du siège, un R+4, au terrain Gaspard Camara. En profondeur avec Youssou Dial, coordinateur du directoire du football professionnel et vice-président chargé des finances. Un entretien réalisé avec trois autres médias.
Guédiawaye FC, un début timide
« Je ne vais pas dire que c’est une entrée timide. Parce qu’au-delà de l’aspect sportif, c’était un derby contre Guédiawaye FC (1-1). Tout le monde sait ce qui s’est passé la saison dernière en demi-finale de coupe du Sénégal (match gagné après des scènes de violence autour d’un penalty). Ma satisfaction est que ce match s’est déroulé dans de bonnes conditions, dans une parfaite organisation et dans un esprit de fair-play. C’était l’objectif principal pour le Jaraaf. Nous voulions montrer une belle image du club. Quand on dit que le Jaraaf est un grand club, ce n’est pas seulement par les résultats sportifs, c’est également par le comportement de ses dirigeants et les actes que nous posons. Samedi, nous avons montré que nous restons et demeurons un grand club. Sur le plan sportif, c’est un bon résultat car on a su réagir et égaliser face à GFC qui fait partie des prétendants au titre. Nous avons montré de bonnes choses en termes de jeu. Il y a des motifs de satisfaction et d’espoir. Beaucoup d’engagement dans le jeu. C’est à l’image de l’entraîneur (Malick Daf) qui a apporté sa propre touche. Au-delà de l’aspect technique, il y a l’état d’esprit que les joueurs ont montré sur le terrain. Et c’est une bonne satisfaction. Ce sera un championnat difficile mais le Jaraaf sera là. »
Retour de Malick Daf
« Tout le monde sait que nous avons gagné notre dernier titre de champion avec Malick Daf (en 2018). Il avait fait 5 ans au niveau du Jaraaf et c’est rare pour un entraîneur. Cela prouve qu’il connait très bien la maison. Il a fait ses preuves sur le plan local et international. Il est champion d’Afrique des U20, un technicien expérimenté. C’était normal qu’il puisse revenir. Il aime le Jaraaf et c’est réciproque. »
Laye Gueye, le départ d’un gagnant
« Abdoulaye Guèye (actuellement en poste à l’ASAC Ndiambour, en L2) n’a pas été remercié. C’était un entraineur intérimaire. Lorsque son intérim est terminé, nous avons décidé, d’un commun accord, d’arrêter la collaboration. Il a souhaité aller monnayer ses talents ailleurs. Cela va lui permettre d’acquérir de l’expérience car c’était la première fois qu’il se trouvait titulaire sur le banc d’une équipe. »
Les recrues
« Nous n’avons pas encore communiqué sur nos recrues. Mais nous pensons avoir fait un bon recrutement et les gens vont les découvrir au fil des matchs. Ce sont des joueurs qui ont fait leur preuve dans le championnat national ou sur le plan international. Nous avons fini notre recrutement et nous sommes en train de dégraisser parce que l’effectif est pléthorique. Nous allons voir les options pour prêter certains joueurs. Maintenant, il ne suffit pas de faire de belles recrues. Il faudrait que la mayonnaise prenne et ce sera le rôle du coach. Nous avons confiance en lui pour bâtir une équipe capable de jouer les grands rôles dans ce championnat. »
Rentrée financière des transferts
« On n’a presque rien gagné par rapport aux transferts des joueurs (Mélo Ndiaye, Moussa Ndiaye…). Ce sont des cas sociaux et certains sont sous l’emprise des agents qui les font partir sans bourse déliée. Nous voulons toujours garder nos relations avec nos joueurs et mettre en avant l’aspect familial. Il ne sert à rien de bloquer le transfert d’un joueur qui pourrait aider tant bien que mal sa famille. Généralement, les clubs qui reçoivent les joueurs ne proposent rien, surtout ceux marocains. Il y a juste un protocole d’accord en cas de revente du joueur. La majeure partie de nos joueurs, nous les avons fait partir librement. Ce sont des décisions qui viennent du président (Cheikh Seck) qui est sensible à ces situations. »
Youssouph Dabo, un mauvais casting ?
« Non, ce n’est pas un mauvais casting. On a gagné l’année dernière la Coupe du Sénégal et il y a beaucoup contribué parce qu’il a laissé les bases en partant. C’est l’équipe que Youssouph Dabo a mise en place, qui a terminé la saison et qui a gagné la Coupe du Sénégal. De plus, il avait déjà fait ses preuves en remportant des titres avec Teungueth FC, en faisant aussi du bon travail au niveau des sélections nationales. C’est l’un des meilleurs entraîneurs sénégalais. Malheureusement, pour des raisons que nous ignorons, il n’a pas réussi en championnat avec nous. »
Le Jaraaf, au rythme d’un club pluridisciplinaire
« Nous restons l’un des rares clubs pluridisciplinaires au Sénégal. Parfois, ça nous cause des soucis parce qu’en termes de financement. Quand l’équipe de basket joue contre l’ASC Ville de Dakar ou le DUC qui ont des budgets qui dépassent les centaines de millions, c’est difficile de pourvoir rivaliser. Alors qu’au football, la plupart de nos concurrents, que ce soit Génération Foot, Teungueth FC, ne gèrent qu’une seule discipline qu’est le football. Aujourd’hui, la difficulté que nous avons, c’est que nous avons hérité d’un club pluridisciplinaire et le président essaie de faire en sorte qu’on ne perde pas cet héritage. Mais quand il n’y a pas de sponsors derrière, c’est difficile. Car, c’est un club qui s’autofinance. On a une section d’athlétisme, de handball, de basket, avec toutes les catégories. Donc, ce n’est pas facile. C’est pour cela qu’il y a une réflexion qui est en train d’être menée par rapport à tout ça. »
Vers un rebond du basket
« Le président a donné des instructions pour que le basket s’oriente vers la formation. Il faut qu’on revienne à la base parce qu’aujourd’hui, en termes de budget, on ne peut pas rivaliser avec l’ASC Ville de Dakar ou le DUC. Aujourd’hui, si on veut faire face à ces équipes-là, il va falloir qu’on revienne à nos fondamentaux qui est principalement de former des jeunes issus de la Médina ou des quatre quartiers. En ayant des dirigeants comme Larry Ndao qui est présidente de la section de basket, ça peut beaucoup nous aider parce qu’elle s’y connaît.
Génération Foot, un champion affaibli ?
« Je ne pense pas que ce soit une aubaine. Génération Foot a un grenier. Même s’il y a une dizaine de joueurs qui sont partis, d’autres vont émerger. Ils ont l’habitude de le faire car c’est un centre de formation et ont une multitude de talents sur lesquels s’appuyer pour avoir une équipe compétitive. Au-delà de Génération Foot, dans ce championnat, on a une dizaine d’équipes qui peuvent prétendre au titre. Il y a Pikine, Guédiawaye FC, Teungueth FC, Casa Sports… Ce serait une erreur de se focaliser uniquement sur Génération Foot. »
Fermeture du stade Iba Mar Diop
« On est en train de travailler sur un plan B. De toute façon, on restera sur la région de Dakar pour recevoir nos matchs. On va choisir un stade accessible à notre base affective qu’est la Médina. C’est un aspect sur lequel on a déjà travaillé, on a déjà notre plan B. Pour le moment, on n’en est pas encore là. Il me semble que le stade sera fermé au mois de janvier. D’ici là, on n’aura pas mal de matchs là-bas. »
Le championnat, rien que le championnat
« Ce n’est pas une affaire personnelle. Ce qui l’était, en revanche, l’année dernière, c’est la Coupe du Sénégal. C’était une affaire personnelle pour le président et moi. Parce que cela faisait un peu plus de 10 ans qu’on ne l’avait pas gagné. On en avait fait un objectif personnel. Mais aujourd’hui, le Jaraaf est une équipe régulière. Sur 5 ans, on a gagné le championnat, la Coupe du Sénégal, on a été trois fois vice-champions et quart de finaliste de la Coupe d’Afrique. Et ça, les gens l’oublient. Le Jaraaf est donc une équipe régulière qui essaye de faire des résultats chaque année. Mais comme on a l’habitude de le dire, quand on démarre une compétition, c’est pour la gagner. Même si nous savons que ce ne sera pas facile, ce sera l’un championnat les plus difficiles qu’on ait eu ces dix dernières années. Rien qu’à voir le niveau des matchs, de la mobilisation… Il faut simplement souhaiter que les matchs se passent dans de bonnes conditions. Et il faut aussi que tous les dirigeants aient un objectif : le fair-play. »
Les chantiers du Jaraaf
« Quand Cheikh Seck est arrivé à la présidence du Jaraaf (en 2013), il s’était dit qu’il ne peut gagner ce que ses prédécesseurs n’ont pas gagné. Le championnat, c’est important parce que c’est l’aspect sportif, ce qui fait en sorte que le club continue à exister. Mais l’ambition du président et de son équipe, c’est de bonifier ces infrastructures que nos sages nous ont laissées. C’est l’occasion de les remercier car s’ils avaient bradé tout ce patrimoine, on n’en serait pas là. Le premier objectif, c’était d’avoir notre terrain d’entraînement. Nous avons maintenant un centre de formation avec des jeunes de 7 à 13 ans qui viennent régulièrement jouer sur ce terrain (Gaspard Camara. Nous avons même une partie élite avec des garçons de 13 ans qui, d’ici l’année prochaine, vont former l’équipe cadette et, plus tard, jouer jusqu’en senior avec une philosophie de jeu propre au Jaraaf. Nous devons aussi mettre en place le nouveau siège du Jaraaf. Ce sera un immeuble R+4. Les plans ont été validés, l’autorisation de construire délivrée. D’ici le mois de janvier, nous pourrons démarrer les travaux. Il y a d’autres projets immobiliers au niveau de Kër Jaraaf et ce sera la troisième phase. D’ici là, le Jaraaf pourra faire des bénéfices et on espère aussi faire des transferts cette année avec les jeunes joueurs talentueux que nous avons. »