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Université Amadou Makhtar Mbow : de la délinquance financière à l’état sauvage

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Les plus hautes autorités devraient diligenter une enquête sur le montage financier de l’Université Amadou Makhtar Mbow de Diamniadio, la sélection des entreprises et les paiements effectués. 

On évoque beaucoup le building administratif Mamadou Dia mais d’Adama Bictogo (actuel président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire) à Ron Yeffet (consul honoraire du Sénégal à Tel-Aviv), il est impossible de dire combien de milliards ont été investis dans la construction de l’Université Amadou Makhtar Mbow de Diamniadio où le Code des marchés a été violé dans tous les sens. Déjà, le processus d’attribution du marché à Marylis Btp de Bictogo a été un vrai scandale, comme l’a révélé l’Armp (actuelle Arcop) dans un rapport qui n’a jamais connu de suite. C’est sûrement la raison pour laquelle cette société, sortie de nulle part qui a fait recours à des sous-traitants dont certains n’ont été payés, a été discrètement dissoute.

Dissolution après coup

En effet,  par lettre confidentielle N°002112/Armp/Crd/dg/Cei, en date 05 septembre 2014, l’Armp avait autorisé au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le lancement, selon l’approche clé en main, de l’avis d’appels d’offres restreint (Aor) pour la construction et l’équipement de la deuxième Université de Dakar. Cette autorisation de l’Armp avait été suivie par celle de la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) qui avait béni la procédure par courrier N° 4902/Mefp/Dcmp/2) du 10 septembre 2014.

Sur la base de l’avis d’appel d’offres restreint, 6 sociétés avaient été consultées à savoir Yildirim holdings A.s (Turquie), Eiffage construction (France), Suma Turkey Buyukdere Cad (Turquie), Jarquil (Rabat, Maroc), China machinery Engineering Cooperation (Chine) et Geiger international (Autruche).  Nulle trace donc de Marylis Btp ou de son «partenaire portugais», Monasica. L’avis de consultation restreinte précisait toutefois : «Les groupements entre les candidats présélectionnés ne sont pas autorisés. En vertu de l’article 52 du décret n°2011-1048 du 27 juillet 2011, les entreprises figurant sur la liste restreinte devront obligatoirement constituer des groupements avec des entreprises nationales ou communautaires ». En clair, les entreprises sélectionnées allaient travailler avec une société basée au Sénégal ou dans l’espace Uemoa.

Après dépouillement, le marché avait été attribué au groupement Yildirim holding As/Eti Béton/Touba Matériaux, composé de deux entreprises turques et une sénégalaise (Lahad Ka), pour un montant de 59 882 135 201 Fcfa Ttc. Un contrat clé en main (n°T0439/15) est ainsi signé avec le groupement pour un délai d’exécution de 24 mois. Pourtant, le 16 mars 2016, c’est l’Université Amadou Makhtar Mbow qui balance un message laconique sur son site internet: «Les travaux ont été retardés par un changement intervenu dans la composition du groupement d’entreprises ; en effet, les entreprises turques Yildirim  et Eti Béton ont choisi de se retirer à l’amiable et ont été remplacées par Monofasica  et Marilys Btp ».

Le jeu trouble des Turcs 

Peu avant ce «retrait» et en marge du séjour du roi du Maroc au Sénégal, en mai 2015, Othman Benjelloun de Bmce Bank signait avec les autorités une convention de 60 milliards de FCfa liant l’Etat du Sénégal, Marylis Btp et Bank of Africa Holding dans le cadre du financement de la construction de la seconde Université à Dakar. Cerise sur le gâteau : la convention avait été signée avec un taux de financement de 6% pour un taux maximum fixé dans les termes de référence du marché à…3%.

Le scandale Monofasica

Fait assez bizarre :  Monofasica, la «société portugaise» qui était en groupement avec Marylis, avait été fondée  quelques… jours avant le changement intervenu dans le choix du groupement. En effet, elle avait été montée à Dakar le 21/01/2016/01/2016 sous le registre de commerce numéro Sndkr2016b1611. Son dirigeant était un certain Antonio Manuel Martins Nunes. Comprenez que lorsque l’appel d’offres restreint était lancé, Monofasica n’existait pas. L’autre «partenaire » de Marilys était Touba matériaux contrôlé par Lahad Ka, maire de Touba.

Par courrier en date du 27 décembre 2017, le marché avait été résilié à cause de la défaillance du groupement alors qu’au moins 30 milliards de Fcfa ont été décaissés.

Puis, sans le moindre appel d’offres, le marché pour la construction des résidences universitaires à l’Université Amadou Mahtar Mbow a été confié à Dsc pour la rondelette somme de 31.024.362.537 Fcfa. Cette « société » dont le bénéficiaire économique est Ron Yafett, impliqué dans le montage chaotique de la « Maison du Sénégal » à New-York, avait mis cinq ans pour livrer 4 pavillons à l’Ucad, un marché « offert» quelques jours après sa création. Le même Ron Yafett s’est vu aussi « cadeauter» à hauteur de 10.000 m2 sur le site du «Sporting club » d’où il pourra contempler, avec ses immeubles, une magnifique vue sur la mer.

Le rapport enterré de la Centif 

Le même Adama Bictogo s’était vu confier, via Snedai, le marché des visas sénégalais.   Le marché annulé, l’Etat du Sénégal avait «filé » une indemnisation de 12 milliards de Fcfa à Adama Bictogo.. Mais ce n’est pas tout. La Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) avait accablé Adama Bictogo, alors président directeur général de la Société nationale d’édition de documents administratifs et d’identification du Sénégal (Snedai-Sénégal) ainsi que plusieurs de ses collaborateurs.

Plus exactement, c’est par courrier confidentiel numéro 004/mefp/ centif/ ap en date du 12 juin 2015 que Waly Ndour, alors président de la Centif, a livré un rapport explosif au parquet de Dakar.

Un rapport qui mettait formellement en cause Adama Bictogo, né le 14 décembre 1962 à Agboville, président directeur général de Snedai ; Adama Guissé, épouse Assipo née le 17 août 1969 à Ségou (directeur général de Snedai) ; Oumar Abdoul Wane, né le 13 avril 1969 à Dakar (directeur général adjoint de Snedai) et Kindo Comoe Adam’s Yao, directeur financier et des ressources humaines de Snedai.

Il ressortait du rapport que Snedai Sénégal est une société de droit sénégalais créée le 02/09/2010 par la société de droit ivoirien d’identification-sécurisation-documents holding (Isd holding Sa), Angbomin Eric Poby, Jean-Yves Kouassi-Coly et Adama Bictogo. Cette société avait un capital de 10 millions de Fcfa divisé en 10000 actions réparties entre Isd holdings Sa (997 actions), représentée par Adama Bictogo ; messieurs Poby, Kouassi-Coly, Bictogo (1 action chacune). Ses dirigeants étaient Adam Guissé, épouse Assipo Memel, directrice général et Adama Bictogo, président du conseil d’administration.

Titulaire du compte bancaire numéro 00101210017751 01 ouvert dans les livres d’Ecobank-Sénégal, la Snedai Sénégal avait sollicité et obtenu auprès de cette banque une facilité de crédit d’un montant de 3,5 milliards de Fcfa remboursable sur 60 mois aux fins de financement du marché de modernisation de la production de visas biométriques au Sénégal. Selon la Centif, les décaissements devraient s’effectuer par tirages successifs basés sur les demandes de l’emprunteur accompagnées des justificatifs de paiement. Or, d’après le rapport, des retraits de fonds d’un montant de 1499000000 avaient été effectués par chèque au profit de personnes membres et non membres de la société sans justification. Il en était ainsi, selon la Centif, de deux réalisés en faveur d’Adama Guissé et Yao Kindo Comde Adam’s pour un montant global de 732.457.000 Fcfa. Pire, suite à un retrait par chèque de 500 millions de Fcfa du 14/02/2013 en faveur de d’Adama Guissé, cette dernière, a procédé, le même jour, au versement de 230 millions de Fcfa dans le compte…personnel d’Adama Bictogo ouvert à la Bank of africa (Boa). D’autres mouvements de moindres envergures (entre 5 et 50 millions de Fcfa) allaient suivre dans le compte Uba de Bictogo en faveur d’Oumar Wane et d’Adama Guissé qui empochera, par exemple, 50 millions de Fcfa le 09/04/2013.

En analysant ces curieux mouvements financiers, la Centif signale «des indices de blanchiment » avec «l’emploi de techniques de rupture de flux par recours d’espèces » et «l’utilisation de comptes personnels destinés à recueillir des fonds de provenance illicite ». « Ces agissements sont sous-tendus par les actes délictuels pouvant s’analyser à l’abus de biens sociaux, le recel, la complicité », notait la Centif. Malgré l’ouverture d’une information judiciaire et l’émission de…mandats d’arrêt, le dossier avait été classé sans suite. Libération

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