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Cour des comptes : au-delà du braquage foncier, les errements de la mairie de Diourbel

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Au-delà du braquage foncier opéré par le maire Malick Fall et des conseillers sur le foncier, la Cour des comptes a débusqué une grave affaire de maniement de deniers publics par des personnes non habilitées à la mairie de Diourbel. En effet, les salaires des agents temporaires, les secours, certaines indemnités, primes, participations et dépenses diverses étaient versés entre les mains du billeteur Bassirou Mbaye, à l’époque du contrôle. Il s’agit là d’une pratique conforme à l’Instruction n°0030/Mfae/Dgt/Dcb du 04 février 1974 fixant les règles à observer en matière de paiements collectifs par billeteurs, modifiée par l’instruction n000138/Mef/Dgt/Tg du 18 juillet 1981, qui précise que « le billeteur est l’intermédiaire chargé de payer les mandats collectifs (…), dont le règlement par vire‐ ment n’est pas obligatoire ».

Le sieur Mbaye affirme toutefois aux vérificateurs, que certaines de ces sommes reçues, sont versées directement, au nom du maire et sans décharge, au chef de la Division des Finances, Monsieur Abdou Khadir Kama. Or, il lui revenait, en conformité avec l’instruction sus rappelée «de re‐ cueillir l’acquit individuel de chacun des bénéficiaires ou ceux des membres de la commission de paie qui peuvent intervenir le cas échéant, en tant que témoin pour les sommes perçues par les illettrés ». Le sieur Kama a en outre, reçu en 2020, un montant total de 21 300 000 francs suivant des mandats de paiement. Il s’agit essentiellement de dépenses relatives aux secours aux indigents. Les pièces produites à cet effet, en plus d’une liste de bénéficiaires sans émargement, sont les ordres de paiement au nom dudit chef de division, la décision et le certificat administratif du maire autorisant le paiement. Il apparait ainsi, au-delà du non-respect par le billeteur, de la procédure décrite supra, que le chef de la Division des finances exécute par cette pratique, des opérations de dépenses au profit de la collectivité, sans qu’aucune pièce ne soit versée au dossier, attestant de sa qualité en la matière. Or, il ressort des dispositions du décret n°62-0195 M.F. du 17 mai 1962 portant règlementation concernant les comptables publics que ces taches sont réservées aux comptables publics dont la nomination est faite par le ministre des Finances ou avec son agrément. L’article 24 du décret n°2011-1880 portant règlement général sur la comptabilité publique précise d’ailleurs que « est comptable public, tout agent régulièrement habilité pour effectuer, à titre exclusif, au nom de l’Etat ou d’un organisme public, des opérations de recettes, de dépenses ou de maniement de titres, soit au moyen de fonds et valeurs dont il a la garde, soit par virement interne d’écritures, soit par l’intermédiaire d’autres comptables ». Au surplus, l’instruction 30 susvisée rappelle « qu’il y a incompatibilité entre les fonctions de billeteur et d’agent administratif qui constate les droits et établit les titres de paiement». A cet égard, il faut rappeler que le chef de la Division des Finances s’occupe à titre principal de la comptabilité administrative du maire. Interpelé, le maire argue qu’in comité de lutte contre la Covid-9 a été créé et que le chef de la Division des Finances en est le trésorier. A la vérification, il s’agit des arrêtés n°0031/Cdl/Cab et n°0032/Cdl/Cab, respectivement du 28 avril et 11 mai 2020. Il faut dire, qu’au-delà de ces actes, cette pratique est récurrente dans le fonctionnement de la Commune de Diourbel. En effet, des arrêtés sont régulièrement pris, mettant en place des comités de suivi, avec comme membres, entre autres, un trésorier désigné en plus du billeteur.

La Cour estime toutefois, que la mise en place par arrêté, d’un comité de suivi d’une politique, ne suffit pas à conférer à l’un des membres, fut-il désigné trésorier, l’habilitation nécessaire pour le maniement des deniers publics. Le maire affirme sur ce point que « dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19 et pour faciliter les opérations d’appui aux populations, les opérations de secours, de désinfection, j’avais mis en place sur les conseils du percepteur un comité pour la coordination des activités. En raison des restrictions diverses et des mesures barrières, j’avais mis en place ce dispositif dans une logique d’allègement des procédures et de rapidité d’intervention dans l’esprit de l’ordonnance n° 0005/Pr/2020 du 30 avril 2020 du Président de la République. Sur les conseils du percepteur, il a été retenu de mettre en place ce dispositif dans lequel le chef de la division des finances était trésorier. C’est donc une situation exceptionnelle liée à la pandémie et à la réticence du billeteur de procéder aux divers paiements que j’ai choisi le Daf. En effet, cette immixtion ne concerne que la gestion 2020 et c’était vraiment un souci d’opérationnalité et de rapidité ».

Le maire s’explique pour ne rien dire La Cour objecte que les dérogations aux textes doivent être expressément prévues et organisées, même en période de crise. «Cette pratique en l’espèce, qui a consisté à superposer un dispositif irrégulier d’exécution d’une dépense à celui prévu par les textes, alourdi inutilement et n’est en rien conforme à l’ordonnance sus évoquée, ni à sa lettre, ni à son esprit », assène la Cour qui «constate que dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 en 2020, le maire a fait exécuter en dépenses et sans habilitation régulière, à Monsieur Abdou Khadir Kama, chef de la Division administrative et financière, un montant total de 21 300 000 francs Cfa ».

Que dire des prises en charge irrégulières de dépenses ? Durant la période sous revue, la commune de Diourbel a pris en charge certaines dépenses au bénéfice exclusif de tierces personnes. Il s’agit de travaux au profit d’un particulier. En effet, l’école arabe Serigne Cheikh Gaïndé Fatma, une structure entièrement privée, a bénéficié en 2018, de travaux de réhabilitation dun montant de 9 999 627 FCfa, à la charge de la commune ; des agents de la mairie ont été aussi affectés à des services extérieurs (services déconcentrés de l’Etat ) et à un guide religieux.

Libération 

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