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Projet de loi portant Code de l’environnement : zoom sur le rapport de l’intercommission

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Par M. Mohamed Ayib Salim Daffe

L’Intercommission constituée par la Commission du Développement Durable et de la Transition Écologique et la Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains, s’est réunie le mardi 23 mai 2023, sous la présidence de Madame Rokhaya DIOUF, Présidente de la Commission du Développement durable, à l’effet d’examiner le projet de loi n°13/2022 portant Code de l’Environnement.

Le Gouvernement était représenté par Monsieur Alioune NDOYE, Ministre de l’Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique, accompagné de ses principaux collaborateurs. Ouvrant la séance, Madame la Présidente a, d’abord, au nom de l’Intercommission, souhaité la bienvenue à Monsieur le Ministre et à ses collaborateurs. Elle lui a ensuite adressé ses félicitations pour la présentation à l’Assemblée nationale du projet de loi portant Code de l’Environnement. Elle a remercié Monsieur le Ministre pour la franche collaboration avec la Commission du Développement durable et de la Transition écologique, lors de l’organisation de l’atelier de partage du projet de loi portant Code de l’Environnement (du 19 au 21 mai 2023), qui a réuni des parlementaires, la Direction de l’Environnement et des Etablissements classés (DEEC), des universitaires et des experts, pour passer en revue le bilan de l’application du Code de 2001, les motifs, les innovations et le contenu de la révision.

Elle s’est réjouie du fait que ces échanges fructueux ont permis aux membres de la commission de mieux comprendre la pertinence, la portée et les enjeux de la révision. Elle a rappelé que, dans un souci d’amélioration du texte, les participants à l’atelier ont formulé plusieurs recommandations portant essentiellement sur :

– l’amélioration de l’exposé des motifs

– la clarification de quelques définitions et l’ajout de nouvelles définitions

– l’ajout de principes généraux (prévention, non régression, subsidiarité) ;

– une meilleure intégration des changements climatiques ;

– une prise en compte accrue des accords multilatéraux sur l’environnement ;

– la consécration législative d’un cadre de concertation autour du ministère (Conseil national du développement Durable) ;

– l’importance à accorder à la planification environnementale ;

– la prise en compte dans le projet de loi des concepts de commande publique durable et d’économie circulaire ;

– une meilleure intégration des nuisances vibratoires, olfactives, visuelles et lumineuses etc.

Enfin, elle a plaidé pour l’intégration des propositions d’amélioration dans le projet de loi, avant d’inviter Monsieur le Ministre à présenter l’exposé des motifs du projet de loi.

À l’entame de son propos, Monsieur le Ministre a adressé ses salutations à tous les membres de l’Intercommission et s’est réjoui de se retrouver devant la Représentation nationale, pour présenter la réforme proposée par le Gouvernement.

Monsieur le Ministre s’est félicité de la démarche constructive de la Commission du Développement durable et de la Transition écologique par l’organisation d’un atelier de partage du projet de Code de l’Environnement. Monsieur le Ministre a loué la pertinence des propositions d’améliorations issues de l’atelier de partage.

Abordant l’exposé des motifs, il a indiqué que la mise en place d’un cadre juridique rénové pour une bonne gestion de l’environnement avait présidé à l’adoption de la loi n°2001-01 du 15 janvier 2001 portant Code de l’environnement.

Cependant, force est de constater, qu’après plus de deux décennies de mise en application de cette loi, l’environnement continue encore de subir des atteintes de toutes parts, liées notamment à une multiplication des activités de production et de transformation et à la pression démographique.

Poursuivant, il dira que l’analyse de ce cadre montre des manquements qui constituent un frein à l’efficacité de la gestion rationnelle de l’environnement et des ressources naturelles.

Parmi ces manquements, il convient de citer :

– l’insuffisance des dispositions juridiques relatives aux substances nocives et dangereuses et aux déchets dangereux ;

– la non prise en compte de ces substances et déchets dans la partie réglementaire ;

– la faiblesse de l’encadrement de la procédure d’évaluation environnementale ;

– l’inadaptation de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement au regard des standards et normes internationaux ;

– l’absence d’un cadre juridique complet et actualisé facilitant l’élaboration des plans particuliers d’intervention jusque-là inexistants ;

– la non-prise en compte de certains principes fondamentaux du droit de l’environnement.

De plus, il s’agit, selon Monsieur le Ministre, de prendre en compte les accords multilatéraux sur l’environnement ratifiés par le Sénégal.
À cela s’ajoutent l’émergence d’activités de prospection, d’exploration et de production d’hydrocarbures en offshore ainsi que leurs impacts sur l’environnement et les ressources naturelles. Tout cela, dira-t-il, soulève de nouveaux enjeux environnementaux, sociaux et sécuritaires dont leur prise en compte rend nécessaire le renforcement des mécanismes de prévention et de suivi des activités en mer.

Compte tenu de ce contexte, Monsieur le Ministre a estimé qu’il apparait que le cadre juridique de gestion de l’environnement est étroit et inadapté. Dès lors, sa réforme dans le sens de son renforcement, devient une nécessité.

Le projet de loi a pour objectifs :

– l’exploitation rationnelle des ressources naturelles ;

– l’adaptation du cadre juridique de l’environnement au nouveau contexte national et international ;

– la lutte contre les différentes sortes de pollutions et nuisances ;

– l’amélioration des conditions de vie des populations dans le respect de l’équilibre de leurs relations avec le milieu ambiant ;

– la mise en place d’un régime spécifique de responsabilités garantissant la réparation des dommages causés à l’environnement.

Le projet de loi apporte les innovations majeures suivantes :

– le renforcement du cadre définitionnel ;

– l’amélioration du dispositif juridique et opérationnel relatif au processus d’évaluation environnementale ;

– la mise en place d’un fonds spécial de protection de l’environnement dont l’objectif est le financement des activités de protection de l’environnement ;

– le renforcement du cadre de gestion des substances nocives et dangereuses et des déchets ;

– l’encadrement des opérations de transport des matières dangereuses ;

– la consécration du principe de la responsabilité des personnes morales ;

– le renforcement des dispositions de gestion des activités minières, pétrolières et gazières.

Le projet de loi est articulé autour de sept titres :

– le titre premier est relatif aux dispositions générales ;

– le titre II porte sur les instruments de protection de l’environnement ;

– le titre III traite des évaluations environnementales ;

– le titre IV concerne la prévention et la lutte contre les pollutions, risques et nuisances ;

– le titre V vise la protection et la mise en valeur des milieux récepteurs et sites sensibles ;

– le titre VI prévoit les sanctions administratives et pénales ;

– le titre VII porte sur les dispositions transitoires et finales.

À la suite de Monsieur le Ministre, vos Commissaires ont pris la parole. Après avoir félicité Monsieur le Ministre et ses collaborateurs pour la présentation du projet de loi à l’Assemblée nationale, ils ont formulé leurs avis et préoccupations par rapport au texte.

Vos Commissaires sont revenus sur les propositions d’amélioration issues de l’atelier de partage du projet de loi portant Code de l’Environnement. En outre, ils ont demandé la prise en compte desdites propositions d’amélioration, notamment en ce qui concerne la réduction de l’exposé des motifs, le complément et la clarification des définitions, le rajout des principes (prévention, non régression et subsidiarité), le renforcement du cadre institutionnel de la concertation et de la planification environnementale, le réaménagement et la reformulation de certaines dispositions pour plus de clarté et de précision.

Par ailleurs, ils se sont inquiétés de la prolifération des codes pour chaque secteur ou sous-secteur. Ils se sont interrogés sur la conformité de certaines dispositions du projet de loi portant sur les pesticides, avec le droit communautaire sur les pesticides. En effet, ont-ils considéré, le texte prend en compte les pesticides avec le risque d’entrer en conflit avec les dispositions législatives et réglementaires spécifiques. Ils ont insisté sur la nécessité d’harmoniser le projet de loi avec le droit communautaire et le droit interne, afin d’éviter des conflits de loi. Aussi, vos Commissaires ont-ils estimé que le projet de loi doit se limiter aux produits chimiques industriels.

Vos Commissaires sont revenus sur la transversalité des questions environnementales ; ce qui nécessite que le Ministre chargé de cette question occupe une position prépondérante dans le dispositif gouvernemental. Ils ont demandé une prise en compte par le Code du caractère informel de certaines activités polluantes et à risque. Ils ont recommandé une prise en compte de la planification environnementale, du niveau national au niveau local. Ils ont demandé un assouplissement des conditions d’ester en justice pour les associations de protection de l’environnement. Ils ont insisté sur la vigilance à observer dans le secteur pétro-gazier pour éviter que les clauses de stabilisation ne neutralisent les dispositions contenues dans le projet de loi. Ils ont également estimé que le présent Code ne fait pas assez le focus sur le gaz et sur les déchets d’équipements électriques et électroniques.

S’agissant de l’évaluation environnementale, ils ont estimé que l’audit environnemental dans une installation en cours de fonctionnement, peut permettre d’avoir un avis scientifiquement fondé pour trancher les conflits liés à l’acceptabilité sociale de certains projets controversés.
Evoquant l’audience publique, vos Commissaires ont considéré que sa formulation dans le projet de loi est imprécise, comparé à l’article L52 du Code de 2001. Aussi, ont-ils souhaité, une formulation plus claire et précise.

Selon vos Commissaires, il est superflu de lister les principes de la gestion des déchets dans l’article 69 du projet de loi, car ils peuvent être pris en compte par la consécration des principes généraux de subsidiarité et de prévention à l’article 5 du projet de loi. Ils ont proposé la reformulation de l’article 69 en conservant uniquement le principe de la hiérarchie des modes de traitement des déchets. Ils ont également considéré que les principes d’information et de consultation du public doivent être consacrés de façon précise.

Par ailleurs, vos Commissaires ont plaidé pour une plus grande implication des collectivités territoriales dans la gestion de l’environnement, car cette dernière est une compétence transférée aux collectivités territoriales.

S’agissant de la question des déchets ménagers et assimilés, ils ont demandé les mesures à prendre pour appuyer les communes à assumer leurs compétences (casse-tête de la propreté du marché Castors pour la commune de Dieuppeul Derklé), aider les ménages à assurer le tri à la source et le conditionnement des déchets (article 89), tout en suggérant la prise en compte de la valorisation des déchets dans le projet de loi. En outre, ils se sont interrogés sur la conformité de l’article 85 du projet de loi avec la loi portant création de la Société nationale de Gestion intégrée des Déchets (SONAGED).

Concernant les installations classées pour la protection de l’environnement, ils ont demandé si les dispositions de l’article 44 du projet de loi seront appliquées aux collectivités territoriales, notamment pour les installations de seconde classe. Ils se sont interrogés sur la pertinence de la soumission des plans d’urbanisme de détail à évaluation environnementale stratégique, dans les cas où les plans directeurs d’urbanisme auraient déjà respecté cette procédure prévue à l’article 63 du projet de loi.
Vos Commissaires ont plaidé pour l’adoption du principe de non régression et du concept d’économie circulaire. Ils ont rappelé l’importance de la mise en œuvre des sanctions pour une effectivité de la future loi. Ils se sont interrogés sur l’application du Code de l’Environnement dans la concession des Industries chimiques du Sénégal (ICS), notamment dans le département de Tivaouane.

Selon vos Commissaires, l’obligation du visa du service de l’environnement pour l’octroi des permis de construire, prévu à l’article 64 doit faire l’objet d’une attention particulière, car elle entraine des lenteurs dans la procédure de délivrance de ce document.
En outre, ils ont questionné la prise en compte des règles relatives à l’amodiation dans le cadre du projet de loi.

S’agissant de la mise en œuvre des plans de gestion environnementale et sociale, (PGES), vos Commissaires ont souhaité une meilleure prise en compte des communes impactées par la pollution et les risques industriels (Diamaguène Sicap Mbao, Bargny et Rufisque) dans le suivi ainsi que des mesures d’appui pour l’élaboration des plans locaux d’action environnementale et des plans d’urgence, notamment les plans particuliers d’intervention.

Par ailleurs, vos Commissaires ont suggéré d’instaurer des conditionnalités environnementales pour tout accès prioritaire à la commande publique ainsi que la mise en place de mécanismes de promotion de l’éco-citoyenneté.
Reprenant la parole, Monsieur le Ministre a remercié vos Commissaires pour la qualité de leurs interventions et a apporté les éléments de réponse suivants :

Sur le processus de la réforme qui a démarré depuis 2009, il a indiqué que le texte a déjà fait tout le circuit normal d’élaboration et d’instruction des projets de loi, de sa préparation au sein du MEDDTE, son partage avec les autres départements ministériels sous la supervision du comité technique du Secrétariat général du Gouvernement, l’avis de l’Assemblée générale consultative de la Cour suprême, son adoption en Conseil des ministres et enfin sa présentation par le Gouvernement à l’Assemblée nationale.

Ainsi, a-t-il précisé, des concertations interministérielles ont été menées pour que ce projet de loi n’entre pas en conflit avec les autres codes sectoriels et législations nationales, notamment le droit sur les pesticides. C’est pourquoi, Monsieur le Ministre a plaidé pour son examen et son adoption dans les délais fixés par l’Assemblée nationale, au vu de l’urgence.

En ce qui concerne les amendements proposés par l’Assemblée nationale sur les articles 133 et 214, il dira qu’ils sont acceptés par le Gouvernement, vu leur pertinence. Aussi, il a relevé que les propositions d’amélioration rencontrent également son adhésion, toutefois celles-ci doivent faire l’objet d’amendements pour être intégrées dans le projet de loi, comme le veut la procédure législative.

S’agissant des fonds prévus par le présent Code, il a tenu à préciser que les ressources financières demeurent l’une des faiblesses de la politique environnementale. En effet, Monsieur le Ministre considère que le budget de l’Etat, seul, est insuffisant pour faire face aux impacts néfastes des changements climatiques. C’est pourquoi, il est créé des fonds environnementaux, financés en grande partie sur ressources extérieures, pour prendre en charge certains impacts négatifs et risques notamment l’érosion côtière, les pollutions et les accidents industriels majeurs etc.

Concernant la gestion des déchets, il a précisé que cette compétence est transférée aux collectivités territoriales, mais partagée avec l’Etat. Ainsi, la création de la SONAGED, qui succède à l’Unité de Coordination de la Gestion des Déchets solides (UCG), ne remet pas en cause cette répartition des compétences.

En outre, Monsieur le Ministre a relevé que la technique du tri à la source est une bonne pratique que le projet de loi veut promouvoir. Aussi, il a noté que les déchets d’équipements électriques et électroniques sont pris en compte par le projet de loi au titre des déchets dangereux.

Evoquant l’audit environnemental, il dira qu’il est prévu dans la phase d’exploitation des installations classées, afin de corriger les problèmes environnementaux et sociaux rencontrés en cours de fonctionnement. Dans ce cadre, il a informé que ses services ont été instruits de procéder à l’arrêt des travaux et à la mise aux normes de certains projets dans la localité de Hann.

Concernant la publication des rapports d’évaluation environnementale et des plans de gestion environnementale et sociale (PGES), il a précisé qu’elle est prévue par les dispositions du Code de l’Environnement, afin de garantir la transparence, la participation et l’information du public.

S’agissant de l’amodiation, il a indiqué que les dispositions du Code forestier précisent la compétence du Conseil départemental pour délivrer les autorisations après avis des collectivités territoriales concernées.

Par ailleurs, la promotion de l’éco-citoyenneté est prévue dans les obligations générales que l’Etat garantit à tous les citoyens. Ce mécanisme sera renforcé à travers l’action du Centre d’Education et de Formation environnementale (CEFE), qui est une structure du MEDDTE.

Concluant son propos sur l’idée de la commande publique durable, Monsieur le Ministre considère que l’instauration de conditionnalités environnementales pour tout accès prioritaire à la commande publique est une piste de réflexion à envisager dans le cadre du Code des Marchés publics, d’autant plus que la politique gouvernementale est orientée vers l’économie verte.

Avant de passer au vote du texte de loi, l’Assemblée nationale a proposé des amendements aux articles 133 et 214. Ces amendements, acceptés par le Gouvernement, ont été adoptés. Ils sont annexés au présent rapport.

Satisfaits des réponses apportées par Monsieur le Ministre, vos Commissaires ont adopté, à la majorité, le projet de loi n°13/2022 portant Code de l’Environnement. Ils vous demandent d’en faire autant, s’il ne soulève, de votre part, aucune objection majeure.

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