Le nombre de personnes ayant besoin de services de lutte contre la violence liée au sexe au Soudan a augmenté de plus d’un million depuis le 15 avril dernier, pour atteindre 4,2 millions de personnes, a indiqué mercredi le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), relevant que « toutes les formes de violence liée au sexe sont en augmentation ».
Il s’agit en particulier de cas à l’encontre des personnes déplacées internes qui fuient d’une province à l’autre et dont les maisons sont pillées, ainsi qu’un nombre accru de cas de violence domestique.
Le nombre de personnes ciblées par les services de lutte contre la violence liée au sexe est passé à 1,3 million, avec une augmentation de plus de 900% des personnes ciblées dans les États fortement touchés mais toujours accessibles.
De graves pénuries de fournitures et de médicaments
« Les risques de violence sexuelle et d’exploitation sont également très élevés lorsque les femmes et les filles sont déplacées, en transit, dans des abris temporaires, et lorsqu’elles attendent des visas aux frontières, et que les prix des produits de base – y compris la nourriture, l’eau et le carburant – montent en flèche et qu’il est presque impossible d’obtenir de l’argent liquide », a détaillé l’agence onusienne dans son rapport de situation sur la crise au Soudan.
Dans ce contexte, l’accès aux services est fortement limité par les combats en cours, ainsi que par la destruction des biens et des propriétés, et le pillage des fournitures médicales et des installations, y compris les centres de santé et les hôpitaux.
Alors que les services de lutte contre les violences basées sur le genre et de santé sexuelle et reproductive continuent de fonctionner dans de nombreux États, il y a de graves pénuries de fournitures et de médicaments, notamment de kits de prise en charge clinique du viol, de kits de dignité, de produits d’hygiène féminine et d’autres soins vitaux et vitaux. Compte tenu de la centralisation des entrepôts et des fournitures prépositionnées, du personnel international et des systèmes de coordination à Khartoum, les combats et la destruction de biens dans cette ville sont une préoccupation majeure.
Sur le terrain, l’UNFPA précise que les groupes de travail sur la violence liée au sexe au niveau de l’État sont opérationnels dans 9 États. Ils ont mis à jour les voies d’orientation pour refléter les limites actuelles des services et de l’accès.
Plus de 1,1 millions de personnes déplacées par les combats dont 272.000 réfugiés
Mais les fortes inondations qui reviennent de manière saisonnière au Soudan – avec un pic de juin à septembre – pourraient encore accroître les besoins, et les groupes de travail sur la violence liée au sexe devront mener des actions de préparation et de planification d’urgence.
Sur un autre plan, les réseaux et les organisations locales, y compris les organisations de femmes, les comités communautaires et les réseaux de protection communautaires bénévoles, continuent de fonctionner. Selon l’UNFPA, ils augmentent leur mobilisation pour soutenir les femmes et les filles soudanaises.
Plus largement, l’accès à l’aide humanitaire est un problème majeur et dans les États les moins accessibles, touchés par le conflit, seuls 10% des prestataires de services sont opérationnels. En revanche, dans les États où l’accès est possible, 90% des acteurs de la lutte contre la violence liée au sexe sont actuellement opérationnels.
Par ailleurs, plus d’un million de personnes ont été déplacées depuis le début du conflit le 15 avril et ont fui vers des lieux plus sûrs à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Outre les 843.130 déplacés internes (dernier décompte effectué le 16 mai), plus de 272.000 personnes ont franchi les différentes frontières soudanaises dont plus de 121.000 en Egypte, a indiqué l’agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR).
Appel à mettre fin à la « violence insensée »
A Genève, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU a qualifié mercredi la situation au Soudan de « déchirante » et a lancé un appel direct aux deux généraux belligérants pour qu’ils mettent fin aux violences sexuelles et épargnent la vie des civils. « La situation désespérée du peuple soudanais, qui a lutté si courageusement contre la répression de ses droits, est déchirante. Malgré les cessez-le-feu successifs, les civils continuent d’être exposés à de graves risques de mort et de blessure », a affirmé Volker Türk.
De nombreux civils sont pratiquement assiégés dans les zones où les combats sont incessants. « Les institutions de l’État ne fonctionnant pas à Khartoum, les acteurs de la société civile risquent leur vie pour combler les lacunes. De nombreux défenseurs des droits de l’homme, en particulier des femmes, ont déclaré avoir reçu des menaces, mais ils ne se laissent pas décourager et poursuivent leur travail crucial », a-t-il regretté.
Il a noté que plusieurs rapports font état de violences sexuelles à Khartoum et au Darfour. « Nous avons connaissance d’au moins 25 cas, mais ces violations sont souvent les plus difficiles à documenter, et je crains donc que le nombre réel de cas soit beaucoup plus élevé ».
« Général al-Burhan, général Dagalo, vous devez donner des instructions claires – en termes très clairs – à tous ceux qui sont sous votre commandement, qu’il n’y a aucune tolérance pour les violences sexuelles, et que les auteurs de toutes les violations seront tenus pour responsables. Les civils doivent être épargnés », a-t-il lancé à l’endroit des deux généraux rivaux, les invitant à « mettre fin à cette violence insensée dès maintenant ».
Selon l’ONU, c’est l’impunité quasi-totale des violations flagrantes qui est à l’origine de cette nouvelle prise de pouvoir éhontée au Soudan. « Les efforts visant à mettre fin à ce conflit doivent être axés sur les droits de l’homme et l’obligation de rendre des comptes – pour que la paix soit durable », a conclu le chef des droits de l’homme de l’ONU.