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*Un «terrorisme d’État» voué à l’échec !* (par Dr El Hadj Séga Gueye)

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La servitude comporte, sur bien des aspects, une dimension de consentement des personnes asservies car, il existe toujours et en tout lieu une possibilité de résistance à la tyrannie que l’on saisit ou pas. La décision d’obéir à un pouvoir injuste naît souvent de la peur de perdre un avantage précieux (sa vie, sa liberté, son travail, son confort personnel et familial, ses privilèges sociaux, …). En s’habituant à subir l’injustice sans broncher, on finit par la normaliser, à en faire un mode de conduite comme un autre, une option comme une autre. La banalisation des codes moraux qui ont cimenté les communautés de génération en génération, l’acceptation de la déviance aux normes institutionnelles, et l’instauration de règles iniques, si elles ne sont pas combattues, finissent par rendre les peuples apathiques, amorphes, sans volonté, et agonisant dans une obéissance aveugle. Pour dire que la soumission d’un peuple à un pouvoir tyrannique n’est pas une fatalité, mais bien une construction sociale savamment planifiée, orchestrée, et entretenue.

Ce qui fait demeurer les peuples dans la soumission à leurs oppresseurs, ce n’est pas l’exhibition des forces de ces derniers, mais bien les influences pernicieuses qu’ils parviennent à instiller dans les esprits, en jouant sur les faiblesses de l’imaginaire social et susciter la peur. La soumission n’est pas affaire de puissance, elle est le produit de la peur. « Le principe de la servitude n’est pas… il est psychologique » (Montesquieu, De l’esprit des lois ,1748).

L’oppresseur n’est jamais assez fort pour réaliser longtemps son projet de domination, il ne possède que le pouvoir qu’on veut bien lui concéder ; ce qui laisse une porte ouverte à la désobéissance civile comme arme fatale contre sa volonté d’hégémonie.
Le pouvoir de l’aspirant dictateur est un pouvoir illusoire. « il ne faut lui ôter rien, mais ne lui donner rien » « soyez résolus de ne plus servir, et vous voilà libre »

Pourquoi considérons-nous que le gouvernement du président Macky SALL va droit dans le mur, malgré les moyens mobilisés pour écarter Ousmane Sonko ?

Une tentative d’explication anthropologique

Tous les observateurs avisés s’accordent à dire que c’est un fait inédit dans les annales de l’histoire politique du Sénégal que ce lien particulier qui lie le leader de Pastef à au moins une partie importante de ses militants et sympathisants. Pas même Abdoulaye Wade, au zénith de sa popularité, n’a connu pareille ferveur et adhésion. On en voit parmi ses soutiens qui réclament un « ndiguël », tels des disciples religieux, d’autres en quasi transe devant lui, d’autres encore qui parlent de lui et souffrent avec lui comme s’il était de leur famille, une partie de leur chair. Un tel engagement auprès d’un homme politique a été rarement observé chez nous. C’est dire que les rapports décrits sont au-delà de la politique, et les instruments d’analyse politique classique se montrent trop étriqués pour en saisir la vraie nature ; d’où notre recours à l’anthropologie culturelle pour analyser sommairement ces rapports qui frôlent parfois le mystique. Ils sont très clairement au-delà de la rationalité ordinaire car, peu parmi les personnes décrites connaissent véritablement le programme de Sonko, peu ont adhéré en raison des positions de ce dernier sur la question des APE, ou sur la question panafricaine ou de souveraineté nationale. L’origine du rapport semble être autre.

Ousmane Sonko, de par ses prises de position politique tranchées, et de par l’opportunité du moment de son avènement sur la scène nationale, a cristallisé sur sa personne les revendications sociales et les frustrations du peuple. Rappelons-nous que Sonko est arrivé à un moment où pas grand monde n’a souhaité se positionner fermement en opposition contre le système inique et traitre qui soumet les sénégalais depuis les indépendances. Tanor et Niasse avaient rejoint le président élu, Idy avait disparu comme à son habitude, laissant le peuple orphelin de leader charismatique prêt à porter ses combats et revendications. De par sa posture courageuse et invariable, l’actuel maire de Ziguinchor a fini par symboliser le Sénégal des révoltés et des indignés, celui des gens debout, qui refusent la fatalité. Les multiples coups de boutoirs que le système lui a infligés en réaction (radiation de la fonction publique, dénigrement, caricatures diverses sur sa prétendue foi salafiste, soupçons d’accointances avec des forces terroristes, affinités supposées avec le MFDC, jusqu’aux ridicules accusations de viol d’Adji Sarr, …) ont fini de faire de lui un martyre, un homme qui souffre courageusement dans sa chair des attaques que le système lui porte pour avoir osé défendre le peuple. Du coup, le peuple reconnaissant trouve en lui l’incarnation visible de ses frustrations trop longtemps tues, le porte-voix de ses douleurs et souffrances, le totem protecteur qui va conjurer le mauvais sort qui ne le quittait pas. Sonko et ce peuple révolté ne font qu’un, partagent une même chair, une même parole, davantage par projection du peuple sur lui que par une stratégie mise en œuvre par le leader politique ou ses conseillers ; Ce qui arrive à Sonko en termes de popularité n’aurait pu être planifié et organisé par aucun spin doctor, aussi compétent fût-il.

Du coup, lorsque le système tape sur Sonko, par un effet d’identification organique invisible, il tape également sur le peuple révolté qui s’incarne dans Sonko. Dénigrer Sonko, c’est nier les souffrances de ceux qu’il représente, c’est faire fi de leurs frustrations. Sonko incarne bien malgré lui une espérance, la promesse d’un avenir meilleur pour des centaines de milliers de personnes. Nier cette réalité c’est se couper d’une frange importante de la population.

Pour faire plus simple, songeons simplement à l’image de la poupée vaudou. Dans la croyance vaudou, on crée une poupée pour préfigurer une personne contre laquelle on souhaite sévir ; un rapport quasi organique est supposé entre la poupée et la personne visée si bien que lorsque le prêtre pique ses aiguilles dans la poupée, cela entraîne des effets physiques réels sur la personne visée, fût-elle à des milliers de km.

Plus près de chez nous, nous avons des lutteurs qui, lorsqu’un combat se profile, s’en vont vers leurs féticheurs pour contrôler le corps de leur adversaire et le dépouiller d’une partie de ses moyens physiques. Le féticheur n’ayant pas accès à ce dernier, va travailler sur tout élément organique appartenant au lutteur ciblé (bout d’ongle, cheveux, vêtement, etc.). Ces éléments personnels préfigurent la personne dans son entièreté si bien que les actions du sorcier sur ces éléments se répercutent sur la personne ; d’où les expressions maintes fois entendues : « dagn maa diapp », « dagne maa seuf ».

Le rapport qui est postulé entre les éléments organiques du lutteur et lui-même, ou entre la poupée vaudou et la personne qu’elle représente, est le même qu’on peut établir entre Ousmane Sonko et le peuple révolté du Sénégal, il est la « poupée vaudou » du peuple sénégalais indigné, si bien que toute attaque contre lui est une attaque contre ces personnes qui se sont identifiées à lui. Ce n’est pas sans raison qu’à chaque fois qu’il est attaqué, il en sort grandi, plus populaire que jamais ; et cela, le système ne semble pas l’avoir compris. Il le voit comme un être isolé et seul contre lequel on peut sévir à sa guise, mais ne voit pas la foule liée à lui dans un rapport organique et anthropologique, qui souffre à chaque fois qu’il est gazé, intimidé, brutalisé, dénigré.

Mais, « rien n’est plus puissant qu’une idée dont le temps est venu », disait Victor Hugo. Peut-on denier à la jeunesse sénégalaise le droit d’appeler à la souveraineté alors que le général De gaulle, lui-même appelait à « une souveraineté populaire » estimant que « la légitimité passe avant la légalité ». Il affirme « En temps normal, les institutions, les coutumes assurent l’ordre. Mais l’ordre réel ne peut reposer que sur l’indépendance nationale, les libertés publiques, le bon fonctionnement de la justice, la souveraineté populaire. Il y a des périodes où, même si l’ordre apparent continue de régner, il perd son sens, parce qu’en dessous, l’ordre réel est brisé ». (Cf. Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Fayard, p. 434, 1994).

Dr El Hadji Séga GUEYE

Sociologue et enseignant universitaire

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