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Sécurité en Afrique de l’Ouest : la CEDEAO face à l’urgence de se doter d’une force militaire communautaire (par Cheikh Mbacké Sène)

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Bamako, Niamey, Ouagadougou, Lomé… L’Afrique de l’Ouest vacille sous le poids de crises multiformes. Djihadisme, coups d’État, insécurité frontalière, trafics transnationaux. Dans cette zone charnière du continent, le désordre n’est plus une exception : il devient la norme. Face à cette menace régionale, une idée fait son chemin, avec de plus en plus de force : la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) doit se doter d’une véritable force militaire communautaire.

Une région assiégée

Les chiffres sont implacables. En 2023, plus de 19 000 personnes ont été tuées dans les violences terroristes au Sahel, selon les données de l’ONG ACLED. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger comptent plus de 5 millions de déplacés internes. Quatre coups d’État ont ébranlé la région en moins de trois ans. La CEDEAO, censée garantir l’intégration et la paix, semble impuissante à endiguer l’effondrement sécuritaire.

Le précédent gambien, la piste oubliée
Pourtant, l’organisation a déjà montré qu’elle pouvait agir avec fermeté. En janvier 2017, suite au refus de Yahya Jammeh de céder le pouvoir à Adama Barrow en Gambie, la CEDEAO avait déployé une force militaire (ECOMIG) en moins de 48 heures. Le dictateur avait fui. Mais ce précédent est resté isolé, sans suite structurelle. La force régionale n’a jamais été institutionnalisée, encore moins professionnalisée.

Un projet stratégique et vital

Aujourd’hui, les voix s’élèvent pour transformer cet échec en opportunité. Ce que propose de plus en plus d’analystes : une Force d’Intervention de la CEDEAO (FIC) permanente, dotée d’un état-major intégré, d’une capacité de projection rapide (72h maximum), et financée par un mécanisme communautaire (comme une taxe de solidarité sur les exportations, à hauteur de 0,2 %).

L’objectif : sauver les États en difficulté, protéger les transitions démocratiques, sécuriser les zones hors de contrôle, et intervenir dès qu’un coup d’État menace la stabilité d’un État membre.

Trois raisons pour agir maintenant

L’absence d’alternative africaine pousse les États vers des partenariats hasardeux. Du Mali à la Centrafrique, des puissances comme la Russie (via Wagner) remplissent le vide laissé par l’Occident. Mais à quel prix ?

Le développement économique est impossible sans stabilité. En 2022, les conflits ont coûté à l’Afrique de l’Ouest plus de 50 milliards de dollars, soit environ 4,5 % de son PIB régional. Le retour à la sécurité est la première condition d’un avenir prospère. Une CEDEAO forte militairement devient une actrice de souveraineté régionale. Ne pas construire cette force, c’est renoncer à exister face aux logiques de puissance externes.

Une souveraineté à reconstruire

Le débat est lancé. Dans les chancelleries africaines, mais aussi dans les cercles de la société civile et de la recherche, l’idée d’une sécurité collective pilotée par les Africains eux-mêmes revient avec insistance. Et pour cause : aucune armée étrangère ne défend mieux l’Afrique que les Africains eux-mêmes. La CEDEAO n’a plus le luxe de tergiverser. Il en va de la survie de l’intégration régionale, mais surtout de l’avenir de millions de citoyens exposés aux violences. La stabilité, ici, n’est plus une option. Elle est une urgence stratégique.

Cheikh Mbacké SENE

Expert en intelligence économique, veille et communication stratégique

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