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« Le Sénégal fait partie des 20 pays qui n’ont jamais raté les JO » (Souleymane Boun Daouda Diop)

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Ancien directeur de la haute compétition, Souleymane Boun Daouda Diop a abordé le rôle de l’Etat en marge du Panel sur les JO de Paris 2024 ce samedi 20 juillet à la Maison de la presse. Une question à la fois complexe et facile, selon ce fonctionnaire à la retraite qui précise que l’Etat a le devoir de donner la possibilité à chaque Sénégalais de pratiquer le sport de son choix et, s’il a un potentiel, de l’accompagner dans le sport de haut niveau pour qu’il puisse le représenter dans les compétitions internationales. Autrement, dit-il, l’Etat a le droit et le devoir d’investir sur la jeunesse sportive pour son image. Car une jeunesse sportive performante signifie que l’Etat a une bonne politique de jeunesse, de sport, de santé.

Alors, pourquoi est-ce si difficile ? A cette question, M. Diop répond : « Parce que la politique sportive d’un pays n’est pas un modèle à importer. C’est un construit qui se base sur nos réalités politiques, économiques, sociales et culturelles. Et c’est nos politiques qui la déterminent. Au Sénégal, les régimes passent mais le rôle de l’Etat n’a pas changé. Il y a une constante dans le rôle de l’Etat envers les sportifs et le mouvement sportif : c’est de permettre aux mouvements sportifs de participer aux Jeux olympiques. La philosophie de l’olympisme, c’est l’universalité. Quand 205 Comités nationaux se retrouvent dans une même ville, il est inconcevable qu’un pays puisse être absent. Le Sénégal fait partie des 20 pays qui n’ont jamais raté les JO. En 1965, à Melbourne, on n’était pas encore indépendant. Mais il y avait eu un boycott. Pareil en 1976, à Montréal, où 22 pays africains se sont retirés sauf le Sénégal et la Côte d’Ivoire. En 1980, les pays occidentaux ont boycotté les Jeux de Moscou mais le Sénégal est resté. En 1984, Russie a rendu la monnaie aux pays occidentaux. Nos gouvernants ont toujours voulu dissocier la politique du sport. »

« Ce n’est pas à deux mois des JO qu’on prépare un athlète, mais sur 8 ans au minimum »

Les JO de Paris marqueront donc la 15e participation du pays de la Teranga qui a aussi participé à 5 Jeux d’hiver. Et de mentionner que la participation a deux volets : la présence et les résultats.

« Sur ce dernier point, nous n’avons eu qu’une seule médaille (Amadou Dia Ba). Ce n’est donc pas une participation de qualité. Nous sommes présents comme le veut le Baron Pierre de Coubertin. Ce qui amène au deuxième rôle de l’Etat : la préparation. Sur ce point, aucun effort n’a été fait par un gouvernement. Ce n’est pas à deux mois des JO qu’on prépare un athlète, mais sur 8 ans au minimum. Or, ici, vous ne voyez jamais un budget spécifique réservé à la préparation des JO. Les Fédérations n’ont pas les moyens. Une médaille olympique, c’est comme de la matière première. Les nouveaux dirigeants disent qu’il faudrait qu’on puisse transformer nos matières premières comme l’arachide au Sénégal. C’est la même chose avec nos athlètes. Nous avons une bonne matière première. Mais pour transformer l’athlète en champion, il faut le mettre dans une usine (infrastructure, ressources humaines de qualité, machines de qualité…). Tant que nous nous n’avons pas cela, tant que nous pensons que le focus doit être mis sur l’athlète, nous faisons fausse route. Le dirigeant et le technicien font partie de l’ensemble. Ce qui se fait de meilleur ne se passe pas au Sénégal. Le trio dirigeant-entraîneur-athlète est indissociable, ils doivent tous être préparés. Il y a eu une génération 2012 puis 2024. Mais sans moyens, ce n’est pas possible. Combé Seck (CanOe Kayak) et Louis François Mendy (110 m haies) font partie de cette génération 2024 mais il n’y a pas eu de suivi. Dieu peut tout mais avoir une médaille en 2024 voire en 2028, c’est hypothétique. Il faut donc mettre en place une génération 2032, doter les communes de moyens pour pouvoir les entraîner pendant deux ans au niveau local, avoir une équipe départementale, puis au bout de trois ans avoir une équipe régionale et au bout de quatre ans avoir une équipe nationale. Il nous faut une équipe nationale olympique, réunir les médaillés africains, toute discipline confondue, et les faire prendre en charge par le Comité olympique et l’Etat. Avec le statut de sportif de haut niveau (prise en charge sanitaire, diététique…), cela leur permettra de participer à des compétitions internationales. Il faut donc une politique adaptée à nos moyens. Nous avons opté pour une pluridisciplinarité mais nous n’avons pas les moyens d’être présents partout. Sans cela, Amadou Dia Ba ne fera pas des émules. Il a eu la médaille grâce à la contribution de la France, du président Abdou Diouf », a-t-il expliqué.

D’après l’ex directeur de la haute compétition, l’autre aspect que l’Etat doit assurer, c’est d’établir d’excellentes relations avec le CNOSS, constitué de trois personnalités (CIO, Fédérations internationales et comités nationaux). Même les invitations que le CIO lance, ça se fait à travers les CNO, les athlètes représentant les CNO et non leurs pays. Pour que l’Etat puisse donner à son CNO et à ses athlètes de meilleures chances, il suggère une transparence sur toutes les opérations.

« Une fois que l’athlète a une bourse olympique, ils (les autorités) pensent que c’est suffisant. Or, ce n’est pas le cas. Il faut dire à l’Etat que la solidarité olympique ne doit pas être plus généreuse. Au niveau des arts martiaux, le système de qualification se fait sur 4 ans, c’est tout un circuit de compétitions (50 par an) pour gagner des points. Nous, on n’a pas les moyens de faire suivre ce processus. Mbagnick Ndiaye (Judo) et Bocar Diop (Taekwondo) se sont qualifiés sur le quota continental. Les Marocains, Algériens et Tunisiens, pendant l’hiver, s’entraînent en Europe et participent à des compétitions. Cela ne peut se faire que s’il y a une franche collaboration avec le Comité olympique. A l’heure actuelle, le rôle de l’Etat, c’est la préparation, la participation, collaborer le CNOSS et mettre les Fédérations dans d’excellentes conditions d’exploitation du potentiel des athlètes », a-t-il terminé.

 

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