Mettre les hommes d’affaires au coeur du système – ce qui passe d’abord par le renforcement du système juridique – mais aussi miser sur l’intelligence artificielle IA), sécuriser l’espace géographique, renforcer le sentiment d’appartenance régionale, mettre en pratique des décisions de la CEDEAO et pourquoi pas mettre en place un ancien chef d’État à la tête de ladite Commission. Voilà entre autres pistes proposées par Afrikajom Center lors d’un pré colloque préparatoire à la Conférence marquant les 50 ans de l’institution ouest-africaine, le 28 mai prochain. La deuxième journée de ces travaux a été consacrée aux enjeux économiques de l’intégration régionale (monnaie, libre circulation des personnes et des biens. ), aux défis politiques (démocratie, gouvernance, état de droit, élections…), à la sécurité dans la région et enfin à la CEDEAO des peuples. C’est ce dernier point qui intéresse le plus le secteur privé.
Pour Ibrahima Kane, président du Comité scientifique de Afrikajom Center, l’idéal est d’aller vers un droit communautaire qui tiennent compte du droit des affaires dans l’espace francophone (OHADA) et celui dans l’espace anglophone. À l’en croire, cela va rassurer les investisseurs de la région, même si c’est difficile à mettre en oeuvre. L’autre problème, souligne haut et fort Momar Sourang, coordonnateur du Collectif des professionnels des transports du Sénégal (CPTS), c’est l’application des textes communautaires et la faiblesse des règles de droit. « Sur le terrain, a-t-il regretté, on ne les sent pas. L’exemple patent est la tracasserie que vivent les camionneurs qui, pour un rien, sont mis en prison une fois dans un autre pays comme le Mali, le Niger… Et les ambassades sont faibles devant ce phénomène. D’où l’absence de sécurité de l’investissement ».
Intelligence artificielle, ne pas être à la traîne
Évoquant l’autorité de la Commission de la CEDEAO sur les États, les experts constatent que leurs décisions s’appliquent moins que celles de l’UEMOA. Ce qui les pousse à proposer la nomination d’un ancien chef d’État qui aura la « même carrure et moins de complexe de parler avec ses anciens pairs ». Ils ont également suggéré l’installation d’un bureau d’analyse et de prospective au sein de la Commission de la CEDEAO. Justement, c’est là qu’intervient Alioune Tine, directeur de Afrikajom Center, pour aborder la monnaie. L’économie étant le noeud gordien, le droit de l’hommiste déplore le « débat idéologique » autour du sujet, ce qui a entraîné une cassure, un instrument de propagande pour les jeunes qui ont brulé le franc CFA, là où le Nigéria veut que tout le monde rejoigne son « Naira’. Saisissant la balle au rebond, Ibrahima Kane met sur les points sur les « i ».Appelant à une lecture scientifique, il reste convaincu que le problème de la monnaie est un problème de confiance d’abord. Il rejoint ici le secteur privé qui a proposé de « miser sur une économie forte avant de parler de monnaie viable ». Alioune Tine d’embrayer sur le fait que le monde, de plus en plus libéral, réfléchit plus sur la cryptomonnaie, « ce qui transcende les États qui sont réduits à leur plus simple expression ». Cela lui fait dire que si les Africains ne sont pas ensemble, ils seront vulnérables. C’est le même risque qu’ils encourent à propos de l’intelligence artificielle. Ici, le défi est de ne pas être à la marge pour ne pas être d’éternels consommateurs. En effet, l’Europe a mis 200 milliards d’euros sur l’IA, les USA encore plus. Mais au sein de la CEDEAO, il n’y a pas de politique numérique communautaire alors que cette révolution touche tous les secteurs. Selon le président du Comité scientifique de Afrikajom Center, les États ne peuvent pas s’investir dans ce domaine, tout au plus doivent-ils mettre en confiance les hommes d’affaires. D’où la nécessité de mettre le privé au coeur du système.
Ces échanges fructueux ont été suivis d’exposés sur l’orientation stratégique sur « Quelle CEDEAO en 2050 après le départ des États de l’AES » par Thierno Souleymane Diop Niang, l’identification des thèmes du Colloque par Mariama Davies, le focus du Club CEDEAO de l’université Gaston Berger de Saint-Louis et enfin la lecture du rapport final qui sera partagé auprès des universités, des États pour permettre une appropriation de ce qu’est la CEDEAO.