L’Assemblée nationale a adopté le projet de loi n° 05/2023 portant sur le contrôle des laboratoires d’essais et d’études dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) et défendu par le ministre des Transports terrestres, des Infrastructures et du Désenclavement, Mansour Faye. Ci-dessous, le rapport de la Commission de l’amenagement du territoire, de l’habitat, de l’urbanisme, des infrastructures et des transports.
Par Mme Sira Ndoye Sall
Rapporteur
» La Commission de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme, de l’Habitat, des Infrastructures et des Transports s’est réunie le vendredi 09 juin 2023, sous la présidence de Monsieur Bassirou GOUDIABY, Président de ladite Commission, à l’effet d’examiner le projet de loi n° 05/2023 portant sur le contrôle des laboratoires d’essais et d’études dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Le Gouvernement était représenté par Monsieur Mansour FAYE, Ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, accompagné de ses principaux collaborateurs.
Après des mots de bienvenue, Monsieur le Président a invité Monsieur le Ministre à présenter l’exposé des motifs du projet de loi. A cet effet, Monsieur le Ministre a indiqué que le secteur du bâtiment et des travaux publics traverse des mutations majeures liées à la forte expansion des projets d’infrastructures de grandes envergures, aux progrès technologiques, à la multiplicité et à la diversité des acteurs, notamment les laboratoires privés, les cabinets de conseils et les bureaux de contrôle.
Il a souligné que c’est en tenant compte de cette évolution, que l’Etat du Sénégal a décidé d’élaborer et de mettre en œuvre une politique destinée à renforcer l’accès des citoyens aux infrastructures routières et immobilières durables.
C’est ainsi que le Centre expérimental de Recherches et d’Etudes pour l’Equipement (CEREEQ), premier laboratoire existant depuis 1949 en Afrique Occidental française (AOF), a été transformé par la loi n° 75-52 du 03 avril 1975 en un Etablissement public à Caractère industriel et commercial (EPIC), pour favoriser la recherche technologique et l’utilisation rationnelle des matériaux de construction.
Toutefois, en raison des difficultés et limites auxquelles l’institution était confrontée dans son mode de gestion et ses réalisations, l’Etat a été amené à muter le CEREEQ, établissement public à caractère industriel et commercial, en une société anonyme à participation publique majoritaire, à travers la loi n° 99-87 du 03 septembre 1999. Il s’agissait de doter la structure de plus de prérogatives et de moyens pour mieux jouer son rôle dans la sécurité et l’économie des ouvrages du secteur des Bâtiments et Travaux publics (BTP).
Poursuivant son propos, Monsieur le Ministre dira que, malgré cette transformation dont le processus n’a pas abouti, du fait que le décret relatif à la dévolution du patrimoine du CEREEQ EPIC au CEREEQ S.A. n’a pas été pris, les résultats attendus n’ont pas été atteints.
Il s’y ajoute les difficultés financières actuellement rencontrées par le CEREEQ qui se traduisent, notamment, par des capitaux propres négatifs depuis plus d’une décennie.
Face à ces insuffisances organisationnelles et aux nombreux défauts rencontrés liés à la qualité des matériaux utilisés dans la réalisation des infrastructures et autres bâtiments, il est devenu impératif de maitriser la connaissance desdits matériaux et de développer la capacité des acteurs à promouvoir les matériaux locaux ainsi que les techniques modernes de construction. Aussi, est-il apparu nécessaire de mettre en place de nouveaux organes de gestion des études, de la recherche, des activités et du contrôle du secteur des BTP. Concrètement, à travers la présente loi portant Code du contrôle des laboratoires d’essais et d’études dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), l’Etat se dote d’un laboratoire national de référence dans le secteur des BTP (LNR-BTP) qui lui permet d’assurer un contrôle efficient et une régulation performante des activités des laboratoires et des cabinets d’études de sols. Il se substitue au CEREEQ S.A., dont la loi n° 99-87 du 03 septembre 1999 relative à sa création est abrogée.
Selon Monsieur le Ministre, les innovations majeures suivantes ont été introduites par le présent projet de loi :
– contribuer à l’amélioration de l’organisation et du fonctionnement du marché des BTP, afin de faciliter aux usagers l’accès aux infrastructures, ouvrages et logements de qualité, à des coûts compétitifs ;
– assurer, au nom de l’Etat, le contrôle et la régulation des activités des laboratoires et des cabinets d’études de sols par un laboratoire national de référence, autorité administrative indépendante qui se substitue au CEREEQ S.A. ;
– promouvoir la recherche, l’innovation et la formation dans le secteur du BTP, particulièrement au niveau de la caractérisation des matériaux de construction ;
– concourir à une meilleure vulgarisation de l’information scientifique et technique relative au secteur des bâtiments et travaux publics ;
– assurer une gestion préventive des risques liées à la construction des bâtiments et aux travaux publics ;
– veiller à l’exercice d’une concurrence saine et loyale entre les différents acteurs du secteur ;
– garantir le respect des normes de sécurité, de qualité et de pérennité des infrastructures routières et immobilières.
Terminant son propos, Monsieur le Ministre dira que le présent projet de loi est structuré en quatre (4) chapitres :
– le chapitre premier est relatif aux dispositions générales ;
– le chapitre II porte sur les principes, les obligations applicables et les sanctions ;
– le chapitre III est relatif au laboratoire national de Référence dans le secteur des BTP ;
– le chapitre IV traite des dispositions transitoires et finales.
Prenant la parole, à leur tour, vos Commissaires ont estimé que le projet de loi inscrit à l’ordre du jour vient à son heure, en raison de l’ampleur des mauvais comportements et pratiques hors normes notés dans le secteur des BTP et dans le domaine des infrastructures routières, notamment le non-respect des normes de construction, facteur d’effondrement de nombreux bâtiments à travers le pays et particulièrement dans la région de Dakar. L’indiscipline croissante des usagers de la route ainsi que la dégradation précoce de certaines routes par insuffisance de qualité ont aussi été relevées. Ils ont également loué les propositions et innovations contenues dans le texte, lesquelles permettront de répondre efficacement aux difficultés et aux besoins des populations et des usagers.
Cependant, certains Commissaires n’ont pas manqué de relever que l’Etat a tendance à trop légiférer et que bon nombre de règles édictées restent inappliquées, soit par défaut de textes réglementaires d’application ou par absence de fermeté dans l’application des sanctions, soit par ignorance ou par incivisme de certains citoyens.
À titre d’exemple, ils ont évoqué la non application de certaines dispositions du Code de la route, censées résoudre la problématique des visites techniques complaisantes et les entraves à la circulation routière (cas de la cité Diakhaye).
Vos Commissaires ont également déploré l’insuffisance du contrôle et l’absence d’encadrement des laboratoires clandestins, ainsi que la prolifération des gares routières à travers le territoire national. Dès lors, il importe d’éviter que le présent projet de loi ne soit une législation de plus en veillant à une meilleure sensibilisation des populations et des acteurs, à la célérité dans la mise en œuvre des mesures d’accompagnement et à l’application effective des sanctions, ont-ils souligné.
Toutefois, vos Commissaires sont d’avis que le défaut de visite technique, le non renouvellement des instances syndicales dans les transports routiers, le cumul des fonctions de dirigeant syndical et de responsable de gare routière sont autant d’entraves à la normalisation durable du secteur qui ne sauraient être imputées entièrement à l’Etat.
En effet, les responsabilités sont partagées entre ce dernier et les autres parties prenantes (citoyens et transporteurs), ont-ils souligné.
Dans la même foulée, ils ont interpelé Monsieur le Ministre sur le défaut d’application intégrale des 23 mesures prises à la suite de l’accident routier de Sikilo, en janvier dernier, l’état de mise en œuvre du programme d’installation de centres de contrôle technique dans les régions intérieures du pays et l’ouverture d’autres centres dans la région de Dakar, ainsi que les embouteillages au niveau des sorties 8 et 9 de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio.
S’agissant du CEREEQ, ils se sont informés sur le niveau des charges ayant conduit à sa dissolution, tout en mettant en relief la question plus générale des moyens appropriés (humains et matériels) que l’Etat doit doter à des organismes du genre. À cet effet, ils ont suggéré à Monsieur le Ministre d’améliorer la rémunération des agents publics du bâtiment pour stopper les départs souvent notés vers le secteur privé, où les conditions salariales proposées sont plus avantageuses.
Par ailleurs, vos Commissaires ont exprimé la proposition d’intégrer, dans la composition du Collège, la représentation parlementaire et d’autres compétences, tels que des universitaires, l’ordre des architectes et un représentant du secteur privé des BTP.
Relativement à certaines dispositions du projet de loi, ils ont fait part des observations et suggestions suivantes :
– la définition des acronymes : « BTP » (article premier) et « LNR » (article 4) dès leur première mention dans le texte ;
– Compléter la rédaction au niveau de l’alinéa 2 de l’article 5, en ajoutant les mots « et des sols » après le terme « environnement », pour une meilleure compréhension car le métier des BTP interpelle la matière ;
– relativement à l’article 15, il est suggéré de modifier sa rédaction en remplaçant les termes « les opérateurs » par « le ou les opérateurs » pour tenir compte de la possibilité de recours individuel d’un opérateur ;
– au niveau de l’article 16, il est proposé de rendre systématique l’information au public de la mise en demeure de l’opérateur pour éviter toute procédure sélective de l’autorité compétente. Ainsi, la réécriture proposée de la dernière phrase de l’alinéa 2 de l’article 16 est la suivante : « La mise en demeure est systématiquement rendue publique. »
Certains Commissaires ont, en outre, estimé trop faible le plafonnement de la pénalité prévu à l’article 16, à dix (10) millions de FCFA, compte tenu du fait qu’en général, les montants des marchés dans les BTP sont importants. En conséquence, il est proposé l’application d’un taux de pénalité variable selon le montant du marché. De plus, ils ont souhaité être édifiés sur les moyens de recouvrement des pénalités par l’autorité et sur la procédure applicable en cas de mise en demeure restée infructueuse.
Reprenant la parole pour faire suite aux interpellations de vos Commissaires, Monsieur le Ministre les a remerciés pour le niveau élevé de leurs contributions. Il a également exprimé toute la satisfaction de se trouver à nouveau devant la Représentation nationale, qui constitue une source considérable d’informations, de formation et de conseils, avant d’apporter les éléments de réponse ci-après :
D’emblée, Monsieur le Ministre a rappelé que le CEREEQ, aujourd’hui remplacé par le Laboratoire national de Références (LNR), fut le 1er laboratoire créé en 1949 au niveau de l’Afrique de l’Ouest. Par la suite, il a connu diverses mutations institutionnelles en passant d’un laboratoire à un Etablissement industriel et commercial (EPIC), en 1975, puis en une société anonyme en 1999.
Il a, en outre, précisé que c’est en raison de l’absence de moyens que de nombreuses compétences dont disposait l’entité, finissaient par être débouchées dans le privé. D’où la décision prise par le Gouvernement de créer un laboratoire national de référence doté de moyens propres (redevances) et bénéficiant d’une autonomie de gestion.
Monsieur le Ministre a, ensuite, précisé que le projet de décret portant organisation et fonctionnement dudit laboratoire est fin prêt et sera prochainement présenté en Conseil des Ministres pour son adoption. Il s’agit d’un laboratoire central doté d’un Référentiel de normes et homologuant l’ensemble des bureaux d’études et de contrôle dans le secteur des BTP.
Selon Monsieur le Ministre, l’option retenue est de confier à l’autorité compétente (le ministère chargé des Infrastructures) la prérogative exclusive de modifier le Référentiel. En effet, cette option a le mérite d’être plus souple et appropriée que le procédé réglementaire par voie de décret, afin de garantir un dynamisme dans le changement du référentiel, a-t-il ajouté. Il a aussi rassuré que le projet de décret précité institue un Collège du LNR et prévoit une composition diversifiée de 09 membres permettant de disposer des compétences nécessaires pour mener à bien sa mission.
S’agissant du Code de la route, Monsieur le Ministre a indiqué que son application a bel et bien commencé et qu’il reste, cependant, des décrets à compléter qui sont en cours d’élaboration. Il en est ainsi du permis à points. Néanmoins, il a rappelé que si l’élaboration du Code de la route relève de son département, son application est du ressort des Forces de défense et de sécurité et des agents assermentés.
Sur les 23 mesures du Gouvernement, il dira que la plupart d’entre elles sont d’application immédiate. C’est le cas des mesures simples relatives aux heures d’ouvertures et de fermetures des gares routières, aux heures de circulation des camions, aux charges au niveau des porte-bagages.
Toutefois, il a reconnu que d’autres mesures restent à prendre, dont le plombage des pneus qui nécessite des discussions préalables avec les acteurs et le ministère chargé du Commerce.
Pour ce qui concerne la hausse des prix du carburant, il a précisé qu’il s’agit d’une mesure économique qui ne relève pas de son département, tout en rappelant qu’en raison de la réduction de la subvention de l’Etat sur l’énergie, les prix fixés dépendent largement des fluctuations des cours mondiaux du pétrole.
Répondant à l’interpellation sur l’organisation du secteur des transports terrestres, il a relevé que la réalisation de cette mission nécessite des concertations permanentes avec tous les acteurs. Il a, en outre, souligné que ce secteur n’est pas facile à assainir, en raison de sa complexité. Néanmoins, beaucoup de réalisations innovantes ont été accomplies par l’Etat, en termes de qualité des routes, d’augmentation du réseau autoroutier (189 km réalisés), de modernisation des titres de transport, d’accompagnements au renouvellement du parc de transports publics de voyageurs, de réforme routière par l’adoption d’un nouveau Code de la route, etc.
Sur le registre de la sécurité routière, Monsieur le Ministre est revenu sur la question des visites techniques. A ce sujet, il a rappelé les deux modalités de contrôle technique des véhicules au Sénégal : le contrôle visuel exercé dans les centres régionaux, sauf Dakar, et le contrôle sur bancs pratiqué dans la région de Dakar, au niveau du Centre de Contrôle technique de Véhicules (CCTV).
Aussi, a-t-il informé que le Gouvernement a projeté d’étendre l’implantation de centres de contrôle technique de véhicules à travers le pays. C’est ainsi qu’il est prévu d’installer deux bancs mobiles dans la région de Dakar (un à Yarakh et un autre à Diamniadio) afin de désengorger le Centre de Contrôle technique de Hann.
Au niveau des régions intérieures du pays, six (06) zones ont été identifiées pour abriter de véritables bancs de contrôle technique comme celui de Hann. Il s’agit de :
– deux (02) centres dans la région de Thiès (un dans le département de Thiès et un autre dans le département de Mbour) ;
– deux (02) dans la zone Nord (un à Saint-louis et un à Matam) ;
– un (01) dans la zone Centre (Diourbel – Fatick)
– un (01) dans la zone Kaolack-Kaffrine,
– un (01) dans la zone du Sénégal oriental
– et un (01) dans la zone Sud (en Casamance)
Concernant les bouchons constatés au niveau des sorties de l’autoroute à péage, il a tenu à préciser qu’ils sont en grande partie dus à la dégradation des voies intérieures de prolongement ou à leur exiguïté. Son département est en train d’étudier les voies et moyens d’y remédier.
Répondant aux interpellations de vos Commissaires sur la définition de l’acronyme LNR, mentionné à l’article 4 du projet de loi, Monsieur le Ministre dira que cette préoccupation est déjà prise en compte dans l’exposé des motifs.
Pour ce qui concerne la remarque soulevée au niveau de l’alinéa 2 de l’article 5, il a accueilli favorablement la proposition de compléter cette disposition en ajoutant les termes « des sols ».
Enfin, quant à l’indexation de la pénalité sur le chiffre d’affaires du marché, Monsieur le Ministre a déclaré laisser cette proposition à l’appréciation souveraine de l’Assemblée nationale en plénière. Dans le même ordre d’idées, il répondra que le recouvrement des pénalités, après mise en demeure infructueuse prévue à l’article 16 du projet de loi, s’exercera conformément aux procédures prévues en la matière.
Avant le passage au vote, le Gouvernement a présenté une proposition de réécriture de l’exposé des motifs et des amendements aux articles 7, dernier alinéa ; 9, 1er alinéa ; 14, dernier alinéa ; 17, dernier alinéa ; 32 et l’insertion d’un nouvel article 33. Ces amendements adoptés figurent en annexe du présent rapport.
Satisfaits des réponses apportées par Monsieur le Ministre, vos Commissaires ont adopté, à l’unanimité, le projet de loi n° 05/2023 portant sur le contrôle des laboratoires d’essais et d’études dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Ils vous demandent d’en faire autant, s’il ne soulève, de votre part, aucune objection majeure. »