Contre les crimes et délits correctionnels commis dans le cadre des manifestations politiques entre février 2021 et février 2024, l’Assemblée nationale du Sénégal a voté hier, une loi d’amnistie.
« Députés du Sénégal, votons cette loi d’amnistie. Demandons-nous pardon et oublions ce qui s’est passé ». Aissata Tall Sall a été ferme. Le foulard bien vissé sur la tête. La voix raisonnant dans l’hémicycle. Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice qui défendait hier, à l’Assemblée nationale le projet de loi portant amnistie générale, a été entendue. Et suivie. Par une majorité écrasante des députés (94 voix pour et contre 49 voix pour 3 voix d’abstention), la loi a été votée au moment où le gouvernement du Sénégal est dissous par le président de la république. « Les lois d’amnistie sont toujours vivantes et pleines de rebondissements. Chacun y va avec sa propre clairvoyance et ses convictions », a souligné Aminata Tall Sall. Selon elle, voter une loi d’amnistie par les députés, n’est pas exceptionnel. « Au moment où je vous parle, j’ai la clairvoyance de ce qui s’est passé dans ce pays. Un bus a été attaqué au cocktail Molotov à Yarakh. Deux fillettes ont été calcinées. J’ai en tête les déclarations de Mamadou Woury Diallo, leur papa », a-t-elle rappelé. Interpellé sur le bien-fondé de la loi alors que les accusés ne sont pas juges, le Garde des Sceaux a répondu. Sans ambages. Avec tact et précision.
« Le législateur peut amnistier quand il veut avant ou après jugement. On n’a pas besoin de jugement pour amnistier », a-t-elle expliqué. En revanche, elle a précisé en réponse a certaines interrogations, que plusieurs détenus de ces événements douloureux qui ont marqué la vie politique du pays de ces trois dernières années, ont été jugés devant les tribunaux. Certains, jugés en première instance, étaient en attente de leur jugement à la Cour d’appel. « Il y en a beaucoup qui ont été jugés. On cite souvent les cas de dossiers connus mais des personnes anonymes sont jugées et des appels sont faits », a-t-elle insisté.
La carte du Pastef
Jusqu’au bout de la nuit. Pas à pas. Avec minutie. Au fil du temps. Pastef a joué carte. Sans position claire au début, les députés du parti dissous ont finalement décidé. A la surprise générale.
En effet, contrairement à la position mi-figue mi-raisin de la veille (mardi) lors du vote en commission, les députés de Pastef ont mis le bulletin du « non » dans l’urne. Ils ont tous voté non contre le projet de loi portant amnistie qui peut, pourtant, sortir Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye et tous les autres de prison. D’abord ils se sont mis à poser des questions au Garde des Sceaux pour savoir si les « crimes de sang » sont compris dans le projet de loi. Ce, afin de décider de la posture à adopter lors du vote. Mohamed Ayib Daffé, Birame Soulye Diop, Ismaila Diallo et…Aliou Badara Beye s’y sont mis. L’un après l’autre. Comme dans une pièce de théâtre ou les acteurs se défilent. En réponse, le Garde des Sceaux a rappelé l’exposé des motifs pour satisfaire leur curiosité. A partir de ce moment, tout a été clair. Le choix du vote tout comme. « Les crimes de sang n’existent pas dans le Code sénégalais. Ce qu’il y a, ces sont les assassinats, homicides ou meurtres. Le champ d’application de la loi d’amnistie, est fixé dans l’article 1 », a-t-elle assuré, évoquant la période incluse dans le projet de loi. Pourquoi maintenant le projet d’amnistie, Aissata Tall répond : « Nous avions toujours pensé ce moment allait arriver. Et c’est maintenant ». « L’amnistie ne se fait pas ex-nihilo. Des faits se sont passés. Nous les connaissons et les dossiers sont là. Nous avons la conscience du danger que nous avons couru. Macky Sall ne veut pas laisser un pays divisé a son successeur. Il a trop subi et il ne souhaiterait même pas que ce qu’il a subi arrive à son pire ennemi », a déclaré Aissata Tall Sall.
Par contre, les rivalités entre Pastef et Taxawu Senegaal se sont, à nouveau, manifesté. entre les deux, les piques ont volé. Tantôt a visage découvert. Tantôt à visage couvert. Après avoir rendu hommage aux magistrats et aux Forces de défense et de sécurité (Fds), Aissata Tall Sall a affirmé que les dignitaires du régime de Macky Sall tous autant qu’ils sont, ne sont pas possibles de poursuites a la Cour pénale internationale (Cpi). Selon elle, il n’y a pas eu de « crimes de génocide ni de crimes contre l’humanité » au Sénégal au point que des responsables politiques sous le régime de Macky puissent être inquiétés. Pour autant, la concernant, elle s’est dite prête à faire face a la Cpi pour se défendre. « Si j’ai défendu des gens, je suis sur que pourrais aussi défendre la cause », a-t-elle ironisé.
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